Saint Seiya Inferno Universe

Chapter 11 : Le retour du Wyvern ou la vengeance du Sombre Monarque

Salle des Augures, une semaine après le siège du Nekyochoro

"Six Ameshas éliminés, 4000 Soldats des Ténèbres tués, contre trois Spectres Terrestres tués, un Céleste entre la vie et la mort, sans parler des milliers de soldats Infernaux qui ont donné leur vie pour protéger votre Domaine, ô Hadès."

Devant une statue d'ivoire et d'argent d'une dizaine de mètres de haut, dressée dans le chœur même de la pièce, le Grand Pontife et les trois Oracles étaient réunis. Leur réunion commençait par l'habituel bilan des événements passés, compte-rendu que Phélios faisait depuis toujours au Seigneur des Enfers, agenouillé, le visage découvert, les mains tendues vers la divinité Infernale.

  • - Voilà maintenant un mois qu'Ahriman est revenu hanter ce monde, ô Sombre Monarque, mais nos forces ont su le repousser, non sans peine comme vous pouvez le constater. Si seulement vous étiez ici... mais votre réincarnation ne se fera sans doute pas avant plusieurs siècles... Puissiez-vous nous envoyer un signe sur ce que nous devons faire, Majesté Hadès... Mortem no es finite spera...
  • - Il nous faudra plus que de simples prières, Grand Pontife, fît l'Oracle Suryo en se caressant la barbe, il nous faut réagir aux attaques de ce Dieu maléfique.
  • - Hélas, intervint son homologue Astrélia, nos relations diplomatiques avec les autres Dieux n'ont jamais été aussi mauvaises. Les Athéniens sont à deux doigts de nous déclarer la guerre alors que les habitants de Sounion sont trop loin et trop indifférents à notre cause pour nous aider. Restent les Olympiens.
  • - Tu n'y penses pas !, s'exclama Nikiolas, dois-je te rappeler que Zeus souhaite rester neutre quel que soit le conflit ? Ces lâches auront tôt fait de se terrer dans leur montagne dès que les Perses auront foulé leurs terres...
  • - Dans ce cas, répondit le Grand Pontife d'une voix véhémente, nous ne devons compter que sur nos propres ressources. Le peuple Perse et ses soldats sont sous le joug de ce Dieu maléfique, nous devons lever une flotte et libérer la Perse au plus vite, afin d'aller vaincre Ahriman ; c'est le seul moyen de se débarrasser définitivement des Ameshas.
  • - Mais les caisses du Royaume Infernal ne se sont jamais portées aussi mal, rappela l'Oracle Astrélia.
  • - Et nous n'avons pas assez de troupes pour tenter quoique ce soit, ajouta Nikiolas.

Le Grand Pontife se retourna une fois de plus vers la Statue d'Hadès, le visage las. Il était loin le temps où les Spectres inspiraient le respect dans la péninsule grecque. A cette époque, les 108 Étoiles étaient toutes réunies, contre moins d'une trentaine aujourd'hui. Qui plus est, les armées d'Hadès étaient au moins deux fois plus nombreuses qu'elles ne l'étaient actuellement.

Soudain, un rayon de lumière violet illumina le centre de la pièce. Le flash de lumière violet cessa presque instantanément, mais sur la vaste table circulaire des Augures trônait une urne que les Oracles et le Grand Pontife connaissaient bien.

D'un noir étincelant, sertie de diamants et de rubis, l'urne imposante avait en son centre une peinture ancienne représentant une créature ailée, une sorte de dragon noir avec de larges griffes acérées, un crâne squelettique, et des ailes de chauve-souris.

  • - Impossible !, s'exclama le Pontife Phélios, c'est l'une des trois Étoiles Célestes Supérieures !
  • - Le surplis du Wyvern, l'un des 3 juges des Enfers..., poursuivit Suryo, cela ne peut signifier qu'une chose...

Le Pontife et les deux Oracles se tournèrent alors vers celui qui avait abandonné ce surplis il y a fort longtemps. Nikiolas se leva et enleva son casque, montrant son visage pour la première fois depuis plus de quinze ans.

Ses cheveux était noirs, coupés court, avec une légère houppette sur le devant. Ses yeux bleus clairs, quasi-transparents, étaient emplis de sagesse et de fierté. Tout son visage resplendissait de bonheur tout en émettant une sorte d'aura guerrière. L'Oracle tendît la main vers son ancien surplis et le revêtit.

L'Oracle devint alors un redoutable guerrier du Sombre Monarque. L'armure du Wyvern devint sur lui un magnifique surplis, où le crâne du Wyvern vint se greffer sur la tête de l'Oracle sous la forme d'un casque, tandis que les ailes du Wyvern allèrent sur les épaulières de Nikiolas.

Le reste de son corps était recouvert des écailles noires de la créature, le tout émettant une aura spectrale incroyablement puissante. Pas de doute là-dessus, Nikiolas était devenu l'un des 3 Juges des Enfers, pour le plus grand plaisir du Pontife.

  • - Nikiolas du Wyvern, l'Étoile Céleste de l'Intrépidité ! Notre Seigneur Hadès t'a rendu tes obligations de Juge ! En tant que tel, je te charge de préparer une expédition pour la ville de Troie et d'y éliminer les Ameshas présents ! Libère la ville de l'emprise du Seigneur Ahriman !
  • - Sur combien d'hommes puis-je compter ?, demanda le Juge en s'inclinant avec respect.
  • - Une seule galère. Nous ne pouvons nous permettre de lever une flotte plus conséquente avant d'avoir libéré Troie. Cette ville est capitale pour nous car elle permettra à nos troupes de débarquer et c'est la seule ville que nous connaissons dans ce secteur. Prend avec toi le Buffle, la Panthère ainsi que la Daphné. Bien que ses pouvoirs ne lui aient pas été révélés, elle pourrait t'être très utile.
  • - Puis-je prendre d'autres Spectres ?
  • - Deux autres si tu le désires, sauf le Lycanthrope et le Kirin. Vu leur état, il vaut mieux attendre que tu reprennes Troie.
  • - Dans ce cas, vous savez qui je vais emmener pour me seconder.
  • - A qui penses-tu ?, demanda l'Oracle Suryo curieux des intentions du Spectre.
  • - A Eckhär et Ganymède. Leurs forces seront des atouts précieux et vous connaissez leur réputation.
  • - Soit, accepta le Grand Pontife, mais ils ne sont pas sur place, je te conseille d'envoyer le Rat et son disciple dans le Nord de l'Epire, là où les deux hommes surveillent les frontières.
  • - Il en sera fait selon vos désirs, Grand Pontife, répondit le Wyvern en s'inclinant davantage.
  • - Bien, dans ce cas prépare ton expédition, Nikiolas, mais garde ton Surplis dans son urne. Je connais la puissance des Juges pour en avoir été un comme toi. Aussi je te demande d'intervenir auprès des Spectres qu'en cas d'extrême urgence, entendu ?
  • - Bien évidemment, répondit le Juge en souriant.
  • - Dans ce cas, la séance est levée !

Nergal et Gladius partirent peu de temps après avoir reçu leur ordre de mission. Une semaine s'était écoulée depuis l'attaque des Ameshas et le Spectre du Buffle n'était pas tout à fait remis de ses blessures. Néanmoins, ce voyage fît du bien au jeune homme, qui n'avait pas vu la lumière du jour depuis plus d'un mois.

Les deux Spectres reçurent ainsi deux chevaux avec des sacoches de cuir, contenant chacune une semaine de vivres, tandis que les Spectres portaient leurs urnes spectrales sur leur dos.

Ils franchirent la plaine du Nekyochoro en remontant au nord, traversant les collines septentrionales et quittant ainsi la vallée. Vint ensuite le Désert de l'Epire, un territoire sec constitué de plaines, où le soleil ardent brûla l'épiderme des deux hommes.

Enfin, après plusieurs jours de voyage, Nergal et Gladius arrivèrent à la frontière occidentale qui séparait les territoires d'Athéna et ceux d'Hadès.

La voie de circulation principale se séparait alors en deux. La première était du côté Athénien et se dirigeait vers la petite cité de Smyrne, et par delà au poste de surveillance d'Eckhär. Quant à l'autre voie, elle allait jusqu'à la tour de guet surveillée par le Spectre Ganymède.

  • - Connaissez-vous l'un de ces Spectres, Maître ?, demanda Gladius, désireux d'en savoir davantage sur ses compagnons d'armes.
  • - Pas vraiment, confia Nergal à son disciple, mais il y a des rumeurs qui circulent sur Ganymède.
  • - Lesquelles ?
  • - Et bien, bien qu'il ne soit qu'une Étoile Terrestre, il aurait réussi à stopper une invasion barbare qui menaçait les Athéniens de façon bien plus certaine que notre royaume. En réalité, leurs armées vaincues auraient été repoussées sur notre territoire et les barbares auraient poursuivi les survivants de cette armée. Ganymède n'était pas censé les aider et pourtant il a affronté les barbares et les a vaincus.
  • - Une armée entière ???? A lui seul ???, s'exclama le Buffle visiblement surpris, quand je pense que j'ai morflé contre une seule guerrière...
  • - Mais c'était une redoutable combattante, Gladius, lui répondit son maître en mettant amicalement sa main sur l'épaule. Et puis tu sais, bien qu'il ne soit qu'un Terrestre, il est sans doute aussi puissant qu'un Spectre d'Élite.
  • - Mais, sans mon Surplis je n'aurais sans doute jamais réussi à vaincre Farah... alors imaginez ce que j'aurais pu faire si j'avais eu un Surplis Céleste... Je l'aurais écrasé d'un revers de la main !
  • - L'armure ne fait pas le héros, Gladius. Ce qui compte, c'est l'homme qui est à l'intérieur.

Les deux hommes se séparèrent alors afin d'aller chercher Ganymède et Eckhär. Nergal choisit de traverser la cité de Smyrne, alors sous contrôle Athénien, afin de rejoindre la côte occidental de la Grèce où Eckhär veillait.

Gladius, quant à lui, rejoignit très vite la tour de guet du Spectre, qui avait moins fière allure au fur et à mesure que le Spectre du Buffle s'en rapprochait. En effet, plus une cabane qu'une tour de guet, la bicoque de bois haute d'environ deux mètres était constituée de planches de bois mal clouées et penchait légèrement sur la droite, tandis qu'une majeure partie du toit était déclaré disparu.

Soudain, les attaches de l'urne du Buffle lâchèrent et le Surplis de Gladius tomba sur le sol. Un homme apparût soudain devant le jeune Spectre, probablement le propriétaire de l'habitation miteuse au vue de l'état physique de celui-ci.

Doté d'une barbe naissante couverte de poussières, il était vêtu d'une vieille tunique en tissu, tout comme son pantalon attaché à sa taille à l'aide d'une vieille corde.

L'homme était dans un état de crasse avancé, et seuls ses yeux bleus clairs, presque transparents, affichaient une certaine clarté. De même, ses cheveux courts châtains étaient parsemés de branchages et de terre.

  • - Qui es-tu ??, demanda Gladius surpris par l'attaque de l'homme.
  • - Je suis Ganymède de la Chimère, l'Étoile Terrestre de la Bravoure, Spectre d'Hadès.

Gladius dévisagea l'homme en écarquillant les yeux. Un homme aussi sale et aussi misérable ? Un Spectre ? Ça ne pouvait être qu'une mauvaise blague !

  • - Tu te fiches de moi ?, répliqua Gladius qui ne croyait pas un mot de l'homme, tu ne ressembles en rien au Spectre Ganymède tel qu'on me l'a décrit ! Toi ? Un Spectre ? Laisse-moi rire !

Gladius ressentit soudainement une violente douleur à l'estomac et cracha un épais filet de sang. L'impact d'un poing s'était dessiné sous sa tunique de combat en cuir, elle-même déformée par le coup. Gladius regarda le miséreux qui n'avait certes pas bougé, mais qui affichait un sourire provocateur.

Le Spectre du Buffle ne ressentait aucune présence dans les environs, hormis celle de cet étrange homme qui ne dégageait pourtant aucun cosmos. C'était incompréhensible. Néanmoins, si cet homme était réellement Ganymède, il n'y avait qu'une seule manière de le savoir...

  • - PAR LA FRAPPE INFERNALE !!!

Aussitôt, Gladius se jeta sur l'inconnu à une vitesse prodigieuse, mais une barrière invisible l'en empêcha, bloquant son geste en plein élan. Le Spectre du Buffle vît alors apparaître dans un flash de lumière une urne d'argent avec le symbole d'une étrange créature sur le centre : une sorte de lion à deux têtes avec une tête de chèvre et une queue se terminant en serpent.

L'homme se mit alors à rire aux éclats, se tordant les côtes à la vue de l'expression de surprise du jeune homme. Puis, il se redressa et regarda Gladius d'un air soudain sérieux.

  • - Convaincu de mon identité maintenant ? Gladius du Buffle ?
  • - V... Vous connaissez mon nom ???
  • - Allons, Buffle, je sais que j'ai l'air d'un épouvantail mais je suis loin d'être coupé de toute civilisation. J'ai ressenti une puissante aura maléfique fouler ces terres il y a environ un mois, et il y a une semaine mon Surplis m'a averti de la mort de deux d'entre nous. Mais tu es encore jeune et inexpérimenté... Enfin, si tu es là, c'est que les Spectres ont besoin de moi, je suppose ?
  • - Exact, acquiesça Gladius soudainement docile. Une expédition va partir à Troie pour éliminer le Général Amesha qui détient la ville ainsi que ses lieutenants. Nos troupes pourront ainsi s'emparer de la ville en toute quiétude et la rendre à ses propriétaires.
  • - Aimable attention de nos Oracles mais en quoi cela nous concerne-t-il ?
  • - Et bien, Kazen du Tigrän, vaincu par Lobo du Lycanthrope, aurait avoué peu avant sa mort qu'une immense armée Perse se réunissait à Troie dans le but d'envahir la Grèce et prendre le Nekyomanteion qu'ils ont failli envahir la semaine passée.
  • - Ah ! Lobo ! Toujours aussi dangereux celui-là... Et qui sont les heureux élus pour aller à Troie avec moi ?
  • - Moi, Nergal du Rat qui n'est autre que mon maître, la Daphné, vous, Eckhär des Érinyes et l'Oracle Nikiolas.
  • - L'Oracle se déplace en personne à Troie ???, s'exclama Ganymède surpris.
  • - L'enjeu est important, rappela Gladius en observant l'urne de la Chimère, et l'Oracle vous a choisi personnellement pour cette mission. Un autre Spectre viendra vous relever dans une semaine.
  • - Dans ce cas, je te suis, jeune Buffle !

Gladius et Ganymède prirent alors le chemin du retour, et se retrouvèrent très vite à la croisée des chemins, là où le jeune apprenti avait laissé son maître. Ce qu'il découvrit le laissa pantois.

En effet, une dizaine d'hommes entouraient Nergal et un autre homme, sans doute Eckhär des Érinyes, qui ne trahissait aucune peur ou combattivité, contrairement à son maître prêt à en découdre.

Les hommes n'avaient aucune armure mais semblaient armés jusqu'aux dents, sans doute quelques bandits souhaitant détrousser les Spectres. Le jeune homme savait que la menace n'était pas bien grande mais il valait mieux prévenir que guérir, aussi Gladius voulût se lancer à la rescousse de son maître mais Ganymède l'en empêcha.

  • - Reste ici et regarde bien Eckhär, Gladius.
  • - Mais il ne bouge pas !
  • - Justement, mon jeune ami, ne connais-tu pas le surnom d'Eckhär ?, demanda la Chimère au jeune Spectre incrédule. On l'appelle le Traqueur Silencieux. Avant de devenir Spectre, c'était un assassin de renommée, qui traquait ses cibles jusqu'à leur mort. Personne ne lui échappait. Et ces quelques crapules ne vont pas tarder à en faire les frais.
  • - Pourtant, je ne décèle aucune agressivité en lui. Il n'est même pas en posture de combat.
  • - Son calme apparent cache sa fureur intérieure, répondit Ganymède en souriant.

C'est lorsque ces derniers mots parvinrent aux oreilles du Buffle que les bandits se jetèrent sur son maître et le mystérieux Eckhär.

L'homme, aux cheveux aussi noirs que la nuit, aux yeux gris-bleu et au visage parfaitement ovale, ne bougea pas d'un pouce, laissant les brigands se jeter sur lui, alors qu'il n'avait que pour protection une vieille tunique de combat usée jusqu'à la corde, dont le cuir violacé était parcouru de craquelures et de trous.

Pourtant, au moment où les bandits allaient égorger, éventrer, étriper ou tout simplement tuer les guerriers du Seigneur des Enfers, ce sont eux qui s'écroulèrent au sol, le visage soudain parcouru par la douleur et l'agonie qui les conduisit tous quasi-instantanément à la mort, la gorge tranchée ou la poitrine ouverte par une quelconque magie.

Nergal remarqua son disciple au loin, les yeux écarquillés, tandis qu'un rustre s'approchait d'eux, une urne de Spectre accroché à son dos. Le Rat le rejoint aussitôt et lui tendît la main, faisant l'accolade à cet homme qu'il n'avait revu depuis longtemps.

  • - Alors voici la petite frappe qui m'avait volé ma bourse il y a 10 ans maintenant ! Tu n'as pas changé, Nergal !
  • - Toi non plus tu n'as pas changé, mon frère ! Hormis quelques poux, de la poussière, et une barbe de jouvenceau !
  • - Hahahaha !, s'esclaffa Ganymède en regardant le Rat, notre maître n'aurait pas apprécié !

Alors que le Rat et la Chimère rejoignirent Eckhär, le jeune Buffle resta debout, interdit. Son maître avait bien dit "frère" en s'adressant à Ganymède ? Et les deux hommes avaient eu le même maître ??? Et comment Eckhär avait-il pu se défaire de ces brigands sans voir ses attaques, alors que le Buffle se déplaçait désormais à la vitesse du son ???

  • - Alors, tu viens Gladius ?, lança Nergal à son jeune disciple qui se dirigea vers lui la tête rempli de questions.
  • - Maître, vous m'aviez dit que vous ne connaissiez pas Ganymède ! Pourquoi m'avoir menti ?
  • - Je ne t'ai pas menti je ne savais pas que Ganymède était en réalité mon vieil ami Drixos ! Tiens, d'ailleurs pourquoi avoir changé de nom, canaille ?, lança le Rat d'un air moqueur à son ami chimère.
  • - C'est parce qu'en devenant Spectre, j'ai voulu rompre avec le passé pour me consacrer pleinement à ma mission. Qui plus est, j'étais ici incognito, et je ne voulais pas que l'on me repère comme un Spectre mais comme un simple citoyen.
  • - Alors tu faisais l'espion à Smyrne pour notre compte, conclu Nergal en souriant. Et toi Eckhär, que faisais-tu à la frontière des Balkans ? Et d'ailleurs comment se fait-il que tu m'attendais devant la ville de Smyrne et pas à ton poste de surveillance ?

Eckhär resta étrangement muet, se contentant de regarder, ou plutôt de dévisager les Spectres pendant quelques secondes, son regard s'arrêtant plus longtemps sur le visage du Spectre de Feu, le surnom qu'avait trouvé les Gardes du Nekyomanteion au jeune homme aux cheveux rouge.

Puis, le Spectre des Érinyes fît apparaître son urne de Spectre et prît les devant sans rien dire à personne, ce qui ne manqua pas de faire grincer des dents le Buffle qui n'aimait pas qu'on soit aussi impoli.

  • - Quel manque de respect !, s'indigna Gladius en observant Eckhär avec dédain, Monsieur tue une dizaine d'hommes et après se prend pour un roi !
  • - Tu n'y es pas, fît Ganymède en suivant Eckhär. Cette homme est sourd. Il ne vous entend pas, et donc ne parle pas. D'ailleurs nul ne sait s'il le peut.
  • - D'où son surnom de Traqueur Silencieux..., comprît alors le Buffle.
  • - Exact, acquiesça Ganymède, il communique par parchemins ou avec son cosmos. Lui et moi sommes ici depuis cinq années maintenant alors, à force, j'ai appris à le connaître... D'ailleurs Nergal, tu as des nouvelles de notre maître Erimanthe ?

Le cœur de Gladius cessa de battre un millième de seconde lorsqu'il entendit Ganymède prononcer le nom de son père. D'ailleurs, Nergal le regarda avec un regard sévère qui fît taire la Chimère. Mais le mot était lâché et Gladius attendait des explications.

  • - Erimanthe était ton père... n'est-ce pas Gladius ?, fît Nergal en faisant signe à Ganymède d'avancer.
  • - Bien sûr qu'il était mon père... ET VOUS LE SAVIEZ !!!, hurla le jeune homme furieux contre son maître. MAINTENANT JE COMPRENDS TOUT !!! JE COMPRENDS POURQUOI VOUS ETIEZ A ONEIROS ! POURQUOI VOUS M'AVEZ PRIS SOUS VOTRE AILE !
  • - Calme-toi Gladius, répondit Nergal sur un ton plus doux, je ne savais pas encore que tu étais son fils, c'est l'Oracle Nikiolas qui me l'a appris lorsque j'ai fait mon rapport de la bataille d'Oneiros.
  • - ALORS POURQUOI NE PAS ME L'AVOIR DIT ?????
  • - L'Oracle voulait rester discret sur ce sujet...
  • - CA SUFFIT !, pesta Gladius en bousculant son maître.

Le Buffle furieux passa devant tous ses frères d'armes en courant, les yeux ivres de rage mais remplis de larmes. Nergal, Nikiolas, Ganymède... ils savaient tous quelque chose sur son père que lui ne savait pas. Son maître avait eu son père pour maître. Il était en quelque sorte le deuxième fils d'Erimanthe et Gladius ne le supportait pas.

Il courût à vive allure, distançant les autres Spectres d'environ un ou deux kilomètres avant de se réfugier dans une grotte. Là, Gladius pleura, pour la première fois depuis la mort de Pirithos.


La ville de Troie était l'une des villes les plus resplendissantes de l'Antiquité, et pour cause, elle était longtemps restée imprenable.

Construite le long d'une gigantesque dune de sable qui se terminait par un pic rocheux, la ville était protégée en partie par les contreforts naturels creusés par la Mer Méditerranée, ce qui assurait à ses habitants le contrôle exclusif du seul chemin d'accès à la ville.

La cité elle-même était entourée de solides remparts discontinus d'une dizaine de mètres de haut, s'étalant sur la circonférence de la ville et rejoignant le récif rocailleux. De solides pics plantés à l'intérieur de douves assuraient l'impossibilité à tout envahisseur de franchir les remparts vertigineux de Troie, défendus jour et nuit par des milliers de soldats armés jusqu'aux dents.

Qui plus est, la seule porte de la ville était une immense porte de plomb qui ne s'ouvrait que de l'intérieur à l'aide d'une dizaine de charrues tirées par autant de bœufs, si ce n'est aidés d'une centaine d'hommes.

Et pourtant, il y a environ trois mois, la cité était tombée, et au Palais du feu-Roi Tectaphos, la bannière azur des troyens avait été remplacée par un drapeau noir, avec en son centre une sorte de vortex bleuté et un sabre de même couleur, avec des signes persans signifiant "L'Ombre de Perse, le Sabre de la Victoire".

Là, au milieu de cadavres de rebelles pendus par la nuque et éventrés en place publique, se trouvait un cavalier d'ébène. Ce dernier, dont le corps était recouvert d'ombres, laissa son destrier à un laquais sans demander son reste, et franchit les portes du Palais à la va-vite, grimpant l'escalier central qui menait tout droit au troisième et dernier étage du bâtiment royal : la Salle du trône.

Sur le siège monarchal d'or rehaussé d'argent, un homme tenait dans sa main gauche un crâne à moitié putréfié, tandis que sur sa tête se trouvait une couronne d'ivoire sertie de petits rubis. L'homme, d'une vingtaine d'années, avait de longs cheveux gris qui tombaient jusqu'à ses cuisses, tandis que ses yeux, marqués par l'absence de pupille, étaient entièrement noirs.

L'homme souriait avec cruauté au visage décapité qu'il tenait dans ses mains, tandis que son cosmos d'un noir absolu, était empli d'une tristesse infinie. Il ne portait aucune armure sur lui, mais une armure d'ébène se trouvait à ses côtés, tout aussi terrifiante que lui.

Ressemblant à un cadavre humain dont la peau écaillée recouvrait encore celui-ci, le visage de la créature était pourtant différent de celui d'un homme, ressemblant davantage à celui d'un démon avec ses incisives dépassant de ses lèvres et son regard inhumain composés d'ombres pures.

Le corps de la créature était agenouillé, ses mains aux ongles crochus tenant sa tête comme s'il réfléchissait à l'absurdité de la vie, tandis que sur son dos, de larges pattes d'araignée, six au total, composaient les membranes d'une fine paire d'ailes démoniaques.

  • - Malek, cesse de jouer avec le crâne du défunt roi de Troie, veux-tu ?, demanda Gilgamesh à son frère d'armes.
  • - Le roi Tectaphos est mort, vive le roi Malek !, répondit le Démon en jetant la tête du monarque derrière lui. Ahriman m'a promis ce royaume une fois la Grèce conquise, Gilgamesh. Et toi, qu'auras-tu ?
  • - La Grèce même, évidemment. Mais avant de nous partager les conquêtes de notre Dieu, il serait bon de l'informer de la mort de Kazen du Tigrän...

Malek se leva du trône à l'annonce de son pair Amesha, et son sourire maléfique s'effaça aussitôt, laissant place à une grimace de mécontentement.

  • - A-t-il eu le temps de tuer l'assassin de mon frère Arsalàn ?
  • - Tu parles du Rat ? Hélas non. Lorsque je suis parti, son cosmos s'était éteint sous les coups d'une Étoile Céleste, à la frontière même du Styx.
  • - Il a échoué de peu..., songea Malek surpris par les capacités psychiques de son collègue. Et ses apprentis ?
  • - Ils sont morts, tout comme lui, répondit Gilgamesh sur le même ton. Maintenant je dois retourner à Babylone pour annoncer la mauvaise nouvelle à l'Empereur des Ténèbres... M'accorderas-tu l'hospitalité pour la nuit, Malek de Bäal, la Nébuleuse Démoniaque du Désespoir, et Roi de Troie par la grâce d'Ahriman ?
  • - Hmph, tu ne t'es pas gêné pour rentrer dans ce palais sans même me demander audience ! Enfin... tu es le plus puissant des 5 Démons, te refuser l'hospitalité reviendrait à signer mon arrêt de mort, non ?
  • - Tu penses bien, répondit Gilgamesh en souriant. Oh au fait, Malek, les Spectres n'en ont surement pas fini avec nous. J'ai laissé des espions sur place, et l'un d'eux ma dit que les suppôts d'Hadès préparaient une galère pour venir ici, à Troie...
  • - Une seule galère ?, fît Malek surpris, et sais-tu si l'assassin de mon frère est parmi eux ?
  • - Aucune idée, Malek, mais c'est possible...

Les deux Démons continuèrent ainsi à converser, mettant au point leurs sombres plans contre les futurs visiteurs de la cité déchue de Troie...


Pendant ce temps en Grèce, le Spectre du Buffle restait inconsolable. Il avait réfléchi de nombreuses fois à son père et à ses actions, mais les seules réponses qu'on daignait lui fournir étaient énigmatiques... Pourquoi ?

Alors que Gladius se lamentait sur son sort, son surplis, comprenant la peine de son porteur, envoya un message télépathique aux Surplis avoisinants. C'était une faculté commune à toutes les Étoiles du Sombre Monarque, permettant ainsi à ceux qui s'étaient sacrifiés pour sa cause d'être liés entre eux par l'esprit, comme leurs porteurs devaient être liés ensemble par une imperceptible fraternité.

Aucun Spectre ne devait haïr ses pairs, car cela ne faisait qu'affaiblir l'armée d'Hadès et ne pouvait apporter que conflits internes et répressions. Il était donc nécessaire de régler les différents entre porteurs de Surplis, ce que voulût faire le Buffle en contactant le Surplis du Rat.

C'est ainsi que les deux Surplis conversèrent durant de longues minutes dans la langue animale, car après tout, ils avaient tous deux été des animaux de leur vivant.

Le Rat avait soi-disant sacrifié sa vie en laissant le Dieu des Ténèbres lui inoculer un virus mortel qu'il transmit à tous les ennemis des Dieux pendant la Déomachie, tandis que le Buffle se serait volontairement jeté dans un bucher et aurait laissé les flammes le consumer pour libérer les hommes des fléaux provoqués par les Dieux Maléfiques dans le Royaume des Morts.

Après quelques minutes de conversation, les deux Surplis cessèrent de communiquer et retournèrent à leurs transes originelles, tandis que Nergal laissa Ganymède et Eckhär marcher devant, convaincu par son surplis de dire la vérité à son jeune disciple.

Il le trouva dans une grotte avoisinante, les genoux repliés contre sa tête. Dès qu'il sentit la présence de son maître, le jeune Spectre se releva, les yeux rouges de larmes, bien qu'il refuserait probablement de l'admettre.

Le maître et le disciple se regardèrent un long moment, s'observant l'un l'autre comme ils ne l'avaient plus fait depuis longtemps déjà. Nergal trouvait Gladius plus mûr, et pas seulement à cause de son fin duvet qui n'était pas encore une barbe d'homme. La posture du jeune homme, ses muscles, et son allure guerrière, avaient fait du garçon qui autrefois volait de la nourriture pour vivre, un Spectre puissant et dévoué au monarque.

Nergal, lui, pensait Gladius, avait toujours le même sourire mesquin et le regard malicieux. Mais derrière ce caractère parfois immature du guerrier se cachait un homme d'expérience qui, malgré ses vingt-cinq ans, avait connu beaucoup de batailles et versé sans doute beaucoup de sang également.

  • - Ton père était le plus grand guerrier que j'ai jamais connu, fît Nergal en rompant le silence. Je l'ai rencontré à Mycènes alors que j'avais volé la bourse d'un jeune homme, Drixos, maintenant devenu Ganymède. Lui et moi nous affrontions pour le peu d'argent de cette bourse, et Erimanthe nous avait départagés en partageant l'argent de celle-ci, puis en nous offrant l'hospitalité.

Il avait remarqué nos aptitudes respectives pour le cosmos, et nous recueillit comme un père. Après de nombreuses années d'entraînement intensif, où il n'était pas toujours là, Ganymède devint Spectre, puis Erimanthe disparût à tout jamais...

Ce n'est qu'il y a environ trois ans que moi-même je te vis, utilisant le feu comme mon défunt maître. Je pensais que tu venais du même peuple que lui, puis l'Oracle Nikiolas m'a révèle ta véritable identité il y a seulement un mois de cela...

  • - Que vous a-t-il dit d'autre, Maître ? Que vous apprenait mon père ? Qui était-il réellement ? Je veux savoir tout ce que vous savez sur lui, Maître Nergal, je n'ai que trop peu vu cet homme dans ma jeunesse et j'aimerais connaître son passé de Spectre...

Une larme roula sur la joue de l'apprenti, ce qui toucha Nergal profondément. Le jeune homme qu'il avait en face de lui n'avait certes pas eu la malchance de naître orphelin, mais la mort de ses parents l'avait sans aucun doute profondément troublé. Et son père, si vaillant fût-il à ses yeux, n'était pour lui qu'un illustre inconnu...

  • - Erimanthe de la Salamandre, l'Étoile Céleste de la Fission, était l'un des plus puissants des guerriers d'Élite du Sombre Monarque, et pour cause, il était l'un des seuls à maîtriser le feu. Il participa au nom de notre Seigneur au Jeux Olympiques, où il vainquit tous les combattants présents, se hissant jusqu'en finale contre le Chevalier d'Or du Verseau, qui maîtrisait le froid absolu dit-on.
    Les deux combattants se livrèrent une bataille acharnée de plus de trois jours et trois nuits, sans que l'un ou l'autre ne prenne l'avantage. Finalement, Erimanthe réussit à battre le Chevalier d'Or en l'expédiant hors de la surface de combat. Toutefois, les blessures qu'il avait subi ne se refermeraient plus jamais... Tu as dû remarquer qu'il ne refermait plus sa main droite et que son genou gauche le faisait affreusement souffrir ?
  • - Oui, acquiesça Gladius, il avait prétendu s'être blessé par accident en chutant d'une falaise... J'avais à peine cinq ans...
  • - Le Chevalier d'Or ne s'en sortît pas indemne non plus, rassura Nergal, il eût la moitié du visage ravagé par les flammes de ton père... C'était vraiment un combattant exceptionnel... Enfin bref, après cet épisode il veilla à la formation de ses apprentis, moi et Ganymède. Il avait le flair pour repérer les jeunes talents... Il œuvra beaucoup dans la défense du territoire du Sombre Monarque, veillant à ce qu'aucun trouble ne vienne mettre en péril l'équilibre du Royaume... Et puis un jour il a mystérieusement disparu...
  • - Alors mon père... m... mon père...

Gladius éclata en sanglots, tiraillé par la douleur et le chagrin. Il connaissait désormais le passé guerrier de son père, ainsi que ses capacités. Pourtant, il était mort sur la rive du Fleuve Achéron, poussant son fils dans les eaux glacées du cours d'eau alors que des flèches lui transpercaient le corps. Plus loin, Gladius se souvint d'avoir vu un barbare lui trancher la tête et la montrer à ses guerriers, vainqueurs d'un peuple et meurtriers de toute une civilisation.

Erimanthe n'était pas mort en héros, mais en martyr. Il avait tout fait pour sauver son fils, feignant le danger de la mort et ne cherchant même pas à se défendre.

Il s'était tenu debout en voyant son fils s'éloigner du lieu de massacre, tandis que le barbare lui passait la nuque au fil de son épée. Le plus puissant des Spectres avait une seule faiblesse : l'amour qu'il portait à son fils.

Nergal s'approcha de son disciple et, d'un geste affectueux, il le laissa écouler sa peine sur son épaule sans dire un mot. Ce moment d'égarement du Buffle devait à jamais rester secret dans le cœur des deux hommes, dans cette grotte sans nom aux parois sans âge.

Puis, Gladius et son maître sortirent de cet antre secret, où l'Étoile Terrestre de la Corne devait laisser son chagrin à tout jamais, redevenant le fier guerrier des Enfers qu'il était.

Ils rejoignirent les autres Spectres juste à temps, l'Oracle Nikiolas procédant à une ultime prière pour calmer la tempête qui s'était soudainement déclarée. Lokus et Waltraute discutaient sur le ponton du bateau dans le port d'Igoumenista, non loin de la cité du Nekyochoro..

La Daphné et le Buffle se regardèrent droit dans les yeux, les regards chargés d'éclairs. Gladius avait appris l'élévation de Waltraute au rang de Spectre peu après la fin des hostilités du Nekyochoro. Son surplis lui était apparu lorsqu'elle gisait inconsciente, vaincue par Gladius, dans un halo violet et devant les yeux ébahis de la jeune femme.

Plus tard, le Grand Pontife lui avait dit qu'un tel phénomène était appelé la Rémission des Surplis, phénomène mystérieux où, parfois, un Surplis reconnaissait en tel ou tel guerrier son digne porteur, même si celui-ci n'avait pas réussi ou pas passé les épreuves de l'Ascension des Enfers.

Néanmoins, malgré son adoubement, la jeune femme nourrissait une violente rancœur contre le Buffle et la violente hostilité qu'elle dégageait à son égard n'allait pas arranger les choses. Gladius lui-même la regardait avec méfiance et n'aimait pas croiser la jeune femme.

Pourtant, malgré cette rivalité apparente, les deux combattants avaient le devoir de s'entendre pour la mission qui leur avait été confié, et donc mettre de côté leurs différends. Gladius monta donc à bord en allant serrer la main de Lokus et la tendît ensuite à Waltraute.

Les deux combattants se fixèrent une fois de plus, mais la Daphné n'était pas d'humeur à saluer celui qui l'avait humilié. Ainsi, elle ignora Gladius et rejoignit l'avant du bateau, sous l'œil mécontent de la Panthère.

  • - Laisse, fît Gladius en devinant les pensées de Lokus, elle a de bonnes raisons de ne pas m'apprécier.
  • - Peut-être, acquiesça-t-il, mais si l'ennemi nous repère il faudra nous battre ensemble pour survivre.
  • - Elle est Spectresse, bien sûr qu'elle se battra si nous sommes menacés.
  • - Même si c'est toi qui l'es ?

Gladius ne répondit pas, mais il écouta attentivement les paroles de l'Oracle Nikiolas, qui venait d'abandonner ses psalmodients pour passer à un discours plus compréhensible devant la foule rassemblée, à la fois des passants et des soldats du Sombre Monarque.

  • - Peuple d'Hadès ! Aujourd'hui est un grand jour ! Aujourd'hui, les guerriers du Seigneur des Enfers partent prêcher sa parole dans des contrées encore inexplorées ! Aujourd'hui, les Spectres d'Hadès partent pour la mystique cité de Troie ! Ceux qui ont sauvagement attaqué vos femmes et vos enfants seront punis de leur cruauté, soyez-en certains !

A ces mots, le peuple hurla sa joie et sa soif de vengeance, au milieu de veuves éplorées et des orphelins aux regards creux, dont Gladius se fît le porte-parole en coupant la parole de l'Oracle pour s'adresser au peuple d'Hadès, dont après tout il était l'un des concitoyens :

  • - Et sachez que nous mettrons en pièces ces sales fils de chiens qui ont osé massacrer nos familles et propager le chaos sur les terres du Dieu des Morts ! Aujourd'hui, mes frères, nous partons de l'autre côté de la mer, envoyer les Perses de l'autre côté du Styx !!!!!!!

Un silence se fît un bref instant avant que la foule n'explose à nouveau, exprimant son assentiment aux propos du Buffle en lui lançant des couronnes de fleurs, des pièces de monnaie, et même chez certaines jeunes filles des bagues, des colliers, et tout ce qui pouvait exprimer la confiance du peuple aux guerriers infernaux.

Assis dans son coin, Nergal se laissa aller aux larmes, se rappelant Pirithos qui aurait apprécié un tel manifestement de joie, alors que quelques jours plus tôt ils avaient été incapables de sauver plusieurs milliers d'innocents.

Waltraute, Eckhär et Ganymède jetaient un regard sévère au Buffle, quoique mêlé d'admiration pour le jeune homme, sauf de la part de la Daphné bien entendu. L'Oracle ne dit rien mais ordonna à Lokus de lever l'ancre, car sans équipage, les Spectres eux-mêmes devaient s'assurer du fonctionnement du navire.

  • - Maître Nikiolas, fît la Panthère en s'adressant à l'Oracle, vous ne dites rien au Buffle pour son effronterie ?
  • - Il est fils de roi, Lokus, ce qu'il a fait était naturel pour lui. Et puis, vu le résultat, son intervention était parfaite. Le peuple ne doit pas savoir que nous partons pour une mission suicide, jeune Panthère, comprends-tu ?
  • - Vous voulez dire que nous ne reverrons peut-être jamais la mère Grèce ?

Le Juge regarda alors le jeune homme qui était en face de lui et sonda discrètement son esprit. C'était une capacité que seuls les Oracles et le Grand Pontife pouvaient posséder. Elle ne consistait pas stricto sensu à lire les pensées de quelqu'un mais plutôt à connaître son état d'esprit et ses sentiments, ainsi que son éventuel cosmos même à l'état latent, lorsqu'il ne s'était pas encore éveillé ou bien lorsque cette personne n'avait guère besoin de dévoiler sa force.

Or l'Oracle se rendît compte que l'empreinte du cosmos de la Panthère n'était pas celle qu'il avait d'habitude, mais différait quelque peu, étant légèrement plus faible. Qui plus est, un Spectre se devait de ne jamais montrer sa peur, mais le jeune guerrier y arrivait mal. L'Oracle comprît alors l'imposture.

  • - Eraste, où est ton frère ?
  • - M... Mais je...
  • - Ne me mens pas, Eraste, ton cosmos te trahit. Où est ton frère ?

Soudain, le véritable Lokus fît irruption sur le bateau, bondissant tel un félin sur son jumeau, lui décochant un coup de pied monstrueux qui mît celui-ci à terre en moins de deux secondes. Pourtant, à la grande surprise des Spectres présents, Eraste se releva sur le champ, les poings serrés le long du corps, en alerte.

  • - Espèce de traître ! Pourquoi m'as-tu volé mon Surplis ???, rugit Lokus plus énervé que jamais.
  • - Ce Surplis n'aurait jamais dû te revenir et je suis trop longtemps resté dans ton ombre, Lokus. Je me suis battu corps et âme pour le Dieu des Morts et on me remercie en me laissant sur le rivage ??? Pas question !!!
  • - Pauvre fou ! Si tu avais mis mon Surplis il t'aurait taillé en pièce ! Les Surplis ne supportent pas qu'un autre que leur porteur les endossent ! Elles tuent les usurpateurs ! Tu serais mort avant d'avoir pu faire quoique ce soit, crétin !
  • - CELA SUFFIT !, tonna l'Oracle d'une voix impétueuse. Eraste, tu n'étais pas convié, mais puisque tu veux faire tes preuves, c'est d'accord, tu nous accompagnes à Troie. Quant à toi, Lokus, récupère ton Surplis et lève l'ancre du navire...

Les deux frères se jetèrent un regard foudroyant avant d'aller chacun d'un côté du navire, tandis que le bateau prît peu à peu le large, la foule saluant les Spectres d'Hadès une dernière fois.

Gladius regarda le rivage s'éloigner peu à peu, mélancolique. C'était la première fois qu'il quittait la Mère Grèce, le pays des Dieux, le territoire le plus sûr au monde, pour s'aventurer dans des contrées hostiles, dans le Royaume de Troie où Malek, averti par le mystérieux Gilgamesh, attendait de pied ferme la venue des représentants du Sombre Monarque, se préparant à jouer avec de nouvelles têtes pour remplacer celle de Tectaphos, dernier Roi de Troie...