Le Démon d'Abraxas se tenait face aux Spectres comme un bourreau face à des condamnés. Sa puissance semblait sans équivoque, et Gladius comme Lokus se sentaient comme écrasés par le pouvoir de l'Amesha.
Pourtant, Lokus, déconcerté devant le pouvoir de son adversaire, regarda Gladius et ne vit que de la colère dans les yeux du jeune homme. Une colère immense contre celui qui avait vaincu son maître, contre celui qui avait massacré des innocents et contre lui-même aussi, le jeune homme ayant été incapable de défendre qui que ce soit. Le jeune homme ne semblait pas saisir le danger qui le guettait.
Toutefois, Lokus avait pu voir le courage exceptionnel du guerrier ainsi que de surprenantes capacités qui lui avaient permis de repousser l'attaque d'Arsalàn et même de briser l'un des crânes de son fléau.
En revanche, ces compétences, si surprenantes soient-elles, semblaient insuffisantes face au Démon d'Abraxas qui avait déployé une puissance incroyable. Il était parvenu à vaincre un Spectre et à en blesser grièvement un autre. Ses coups semblaient dépasser la vitesse du son et sa cruauté n'avait aucune limite.
Face à cela, Lokus et Gladius n'avaient pas le choix : ils devaient l'affronter ensemble ou mourir. Toutefois la lueur d'un faible cosmos derrière l'Amesha redonna espoir au Spectre de la Panthère.
Effectivement, Nergal réussit tant bien que mal à sortir des décombres d'une maison mitoyenne du Vieux Port, où il avait été projeté.
Son armure était complètement brisée, privée de la tête de rat qui ornait son épaule gauche, tandis que les plaques de son armure, de couleur gris clair, étaient bardées de craquelures. Qui plus est, le Spectre du Rat était recouvert de sang et semblait ne plus pouvoir faire usage de son épaule droite.
Abraxas ignora cependant Nergal et ne semblait même pas avoir remarqué qu'il avait survécu, ce qui donna une idée à Lokus.
Celui-ci regarda Arsalàn un bref instant, tout en essayant de voir son maître. Lokus comprît qu'il l'avait vu lorsqu'une étincelle rouge parcourût les yeux du jeune homme, avant que ses poings ne s'enflamment de nouveau.
Celui-ci avait déployé autour de lui une aura aussi noire que son âme. Il avait laissé les Spectres bavarder entre eux, choisissant sans doute lequel des deux allait mourir en premier. Arsalàn savait que les Spectres n'aimaient pas se battre en supériorité numérique et que même si deux abeilles ne valaient pas un ours, les deux abeilles se battraient séparément jusqu'à ce que mort s'en suive.
Néanmoins, à sa grande surprise, ce ne fût pas la Panthère qui s'avança en premier mais le jeune impudent qui avait endommagé son fléau.
A ces mots le Démon d'Abraxas émit un rire lugubre. Puis, il éveilla de nouveau les crânes de son fléau qui se mirent une nouvelle fois à soupirer et murmurer leur terreur, leur désespoir.
Soudain, le fléau d'Arsalàn s'abattit avec fracas sur Gladius qui eût à peine le temps d'esquiver le coup, laissant à l'endroit où il se trouvait à peine un dixième de seconde plus tôt un impact cinglant sur le sol.
Un deuxième coup de fléau suivit le premier, mais Gladius l'esquiva une fois de plus. Toutefois, l'énergie de l'arme fût telle que l'épaulière du jeune homme vola en éclats.
"S'il me touche je suis fini", pensa Gladius.
Les crânes sur le fléau frappèrent soudain à trois endroits à la fois, empêchant les possibilités de fuite du jeune homme qui ne pût que reculer. Il sentit alors un mur derrière lui : il était piégé.
Le fléau s'abattit alors une dernière fois sur le jeune homme. Celui-ci ne pût que fermer les yeux et attendre la mort.
Mais encore une fois, il n'entendît et ne sentît rien. Encore une fois, il ouvrît les yeux et vît qu'il était vivant. Encore une fois, Nergal était intervenu, se tenant devant son disciple, un crâne du fléau dans les mains.
Pendant ce temps, Lokus était entré dans une profonde méditation, les bras croisés vers ses épaules, doigts tendus. Son cosmos gagna peu à peu en intensité, comme sa concentration.
Le jeune Spectre entendait les combats entre Gladius et Arsalàn ainsi que l'intervention du Rat et ne perdait pas une miette de ce qui se passait, sachant précisément où et quand attaquer son adversaire.
C'est alors qu'il décida de lancer son attaque. Son cosmos jaillit hors de son corps qui fût alors entouré d'éclairs magenta. Les yeux du Spectre prirent la même couleur, brillants comme des améthystes.
Les griffes de son surplis se prolongèrent soudain en immense griffes de cosmos violet, tandis que le corps du Spectre semblait habité par l'esprit de la Panthère. Arsalàn ressentit le cosmos de Lokus augmenter mais il n'eût même pas le temps de se retourner.
Lokus se propulsa sur son ennemi si vite qu'aucun des combattants présents n'eût le temps de le voir griffer. L'esprit de la Panthère, en symbiose avec son porteur, libérait une énergie incroyable, multipliant les capacités du Spectre. Lokus lança alors une centaine de coups de griffes écarlates qui déchiquetèrent le corps d'Arsalàn.
Ses coups étaient si vifs et rapides que le Démon n'eût cette fois-ci pas le temps de réagir et ne pût que subir les coups de Lokus, qui frappa son adversaire de ses poings et de ses griffes une centaine de fois, tandis que ses griffes de cosmos dégageaient une formidable énergie en frappant.
Lokus concentra ensuite le reste de son cosmos dans son poing droit et libéra un coup de griffe dévastateur, suivi d'une panthère fantôme qui fracassa le corps d'Arsalàn. Le Démon fit un vol plané d'une quinzaine de mètres avant de retomber sur le sol, immobile.
Nergal et Gladius se rapprochèrent alors de Lokus qui s'effondra dans les bras de ses camarades, venus le réceptionner à temps.
Arsalàn s'était relevé sous les yeux ébahis des Spectres, plus particulièrement de Lokus qui semblait ne pas y croire, pensant sans doute à une hallucination.
Pourtant, le Démon de l'Angoisse Abraxas, bien que blessé par Lokus, était debout. Son armure n'avait même pas une seule égratignure mais Arsalàn avait néanmoins le visage marqué par une griffure sur son œil gauche désormais clos. L'autre œil, ouvert, montrait quant à lui l'intense sentiment de colère qui devait régner dans le cœur du Démon.
Aussitôt, le cosmos noir ébène du démon se concentra dans sa main. Une boule d'énergie noire apparût alors, puis celle-ci s'allongea dans la main d'Arsalàn, formant une poignée, puis une lame de glaive noire entourée de cosmos.
Au final, Arsalàn créa une gigantesque épée noire qui devait être aussi grande que son fléau. L'épée semblait être constituée uniquement de cosmos mais son pouvoir offensif ne faisait aucun doute. Arsalàn lança alors l'épée dans les airs de toutes ses forces. Celle-ci décrivît alors un arc-de-cercle, la lame en direction du groupe de Spectres.
L'épée s'abattit alors sur ceux-ci comme la foudre en se divisant en trois épées plus petites, une pour chacun des Spectres.
Nergal réussit à esquiver la sienne ainsi que Lokus, mais Gladius n'eût même pas le temps de bouger. Pourtant, l'épée s'arrêta à quelques millimètres seulement de sa tête, gravitant autour de lui tel un dangereux satellite.
Nergal et Lokus quant à eux couraient en tout sens pour fuir l'arme d'Arsalàn mais celles-ci ne les lâchait pas d'une semelle, peu importe la direction que les Spectres prenaient.
Arsalàn lança alors un rire maléfique, visiblement amusé de la fuite de ses adversaires devant ses armes démoniaques.
Gladius se rappela alors cette légende que lui avait un jour conté Phobos, le Vieux Marchand.
Denys, le Tyran de Syracuse, avait tellement peur qu'on lui vole son trône qu'il fît bâtir d'imposantes murailles autour de son palais et n'accueillit que des courtisans dignes de confiance pour le rassurer.
Parmi eux, Damoclès, qui désirait le trône plus que tout, et qui, connaissant la peur du tyran, embrouilla son esprit pour l'angoisser encore plus et être désigné successeur à sa place, ce qui fût le cas.
Or, le jour de son intronisation, le tyran déchu le fît asseoir sur son trône, où, suspendu à quelques millimètres de la tête du Roi, était suspendue une épée extrêmement tranchante, qui lévitait dans les airs. On disait que le dieu des dieux Zeus avait offert cette épée au premier Roi de Syracuse pour tuer les usurpateurs de trône.
Damoclès devait alors diriger le royaume depuis ce trône maudit avec la peur au ventre car l'épée pouvait le décapiter à chaque instant.
Or, lorsque Damoclès s'installa sur le trône, celle-ci le suivit partout et Damoclès mourut de folie et d'angoisse, tandis que Denys, le véritable Roi de Syracuse, reprit sa place de tyran.
L'épée de Gladius gravitait toujours au-dessus de sa tête et pourtant, elle ne semblait pas décidée à l'achever... et si...
A ces mots, Nergal s'arrêta de courir instantanément. L'épée qui le poursuivit fonça sur sa tête et s'arrêta net... à quelques millimètres du visage de Nergal.
Voyant cela, Lokus en fit autant, avec le même résultat. Les trois épées ne disparurent néanmoins pas pour autant et continuèrent de graviter autour des têtes spectrales.
Je n'ai plus qu'à attendre votre mort et observer vos cœurs vous trahir ! Voir ce sentiment délectable qu'est l'angoisse vous ronger, tandis que mes épées de Damoclès vous transperceront la poitrine !
Gladius, sûr de lui, s'empara à mains nues de la lame qui gravitait autour de sa tête. Mais de toute évidence, les lames d'Arsalàn étaient différentes de celles qui menaçaient naguère Damoclés. Dès qu'il voulût toucher l'épée, celle-ci s'éleva dans les airs pour déballer à toute allure vers une autre cible, tout comme celle de Nergal...
Gladius comprît alors que Lokus s'était trahi et bien qu'il ait réussit à esquiver de justesse l'attaque de l'épée qui le tenaillait, il lui était impossible d'éviter les deux autres épées.
Les deux lames se rapprochèrent de Lokus en tournoyant à une vitesse extrême, fendant l'air en émettant un son strident. Le Spectre ne pût qu'écarquiller les yeux et tenter de se protéger en voyant deux ombres mouvantes s'abattre sur lui.
L'action ne dura qu'une fraction de seconde. Le Spectre, en lévitation dans les airs, attrapa la lame d'une épée à pleine main, laissant échapper un filet de sang. Toutefois, ses dents crispées par l'effort, il renvoya la lame sur sa jumelle.
Les deux armes se transpercèrent et disparurent, s'évaporant sous la forme d'un gaz noir, ainsi que leurs cadettes, plantées dans le sol non loin de là.
Pirithos, guidé par l'énergie du désespoir, avait débarqué de nulle part et sauvé Lokus d'une mort certaine... se jetant sur les lames d'Arsalàn et les retournant les unes contre les autres, avant de s'écrouler au sol.
Nergal, Gladius et Lokus, se précipitèrent vers le Spectre agonisant.
Arsalàn venait de s'apercevoir que ses pieds étaient à moitié enfoncés dans le sol tout en s'élevant, formant une structure bien connu des fourmis...
Aussitôt, son fléau voltigea dans les airs avant de redescendre brutalement sur la fourmilière. Mais celle-ci, bien qu'ayant subi l'assaut de plein fouet, n'eût pas la moindre fissure, ce qui surprit le Démon au plus haut point.
Le Démon envoya alors son fléau semer la destruction sur les Spectres. Toutefois, l'immobilité du démon limitait ses mouvements, et un saut en arrière suffit à Pirithos pour se trouver hors de portée de l'adversaire.
Un cosmos beige jaillit de son corps, encore plus puissant qu'avant. Gladius, Nergal et Lokus ressentaient dans le cosmos de la Fourmi une incroyable volonté de vaincre ainsi qu'une puissance hors-du-commun qui égalait presque celle du Démon.
Une fourmi rouge jaillit alors du diadème de la fourmi, se multipliant en gravitant autour de son maître.
Le Spectre du Rat souri à son rival de toujours, celui-ci en fît de même. Les millions de fourmis qui entouraient son corps vrombirent alors tel un seul être avant de fendre l'air, générant une immense tornade verticale qui engloutit Arsalàn.
Mais Arsalàn était loin d'avoir dévoilé toute l'intensité de son pouvoir et, devant la fourberie dont avaient fait preuve les Spectres, sa colère gronda tel un orage.
Son cosmos grandit, l'aura noir ébène autour de lui devint de plus en plus intense et de plus en plus large, et même la fourmilière de Pirithos montra des signes d'usure en se fissurant petit à petit. Son fléau fendit l'air une fois de plus, guidé par la main destructrice du Démon de l'Angoisse.
Arsalàn fît enfin exploser son cosmos, balayant la tornade et la fourmilière qui le retenait prisonnier d'un revers de fléau. La terre se fendît sous le choc des puissances à l'œuvre, tout en envoyant de grandes quantités de poussière dans les airs.
Les Spectres virent alors le mal apparaître sur Terre. Arsalàn n'était plus qu'une ombre désormais, une ombre qui venait de libérer le Démon enfermé en lui.
Le cosmos noir ébène d'Arsalàn s'était matérialisé et, devant eux, se trouvait un colosse d'une quinzaine de mètres de haut, entouré d'ombre et de brume noire. Le casque d'Arsalàn lui servait de tête, tandis que les crânes du fléau, soudain libérés de leurs chaînes, tournoyaient autour du Démon.
Une énergie maléfique d'une puissance incroyable était à l'œuvre, tandis qu'Arsalàn, possédé par le Démon semblait-il, avait disparu, enfoui par ce si puissant cosmos.
Des nuages de cosmos noir entourèrent soudain le démon, comme si un puissant orage allait avoir lieu. Les crânes qui gravitaient autour du démon semblaient alors briller de plus en plus d'une lueur bleue ténèbres, tout en gravitant de plus en plus vite autour du démon.
Mais il était trop tard. Les crânes chargés de cosmos ouvrirent soudain la bouche lorsqu'Abraxas tendit les bras vers le ciel. Ceux-ci crachèrent alors une multitude de rayons cosmiques bleus qui partirent dans toutes les directions.
Gladius tenta d'en esquiver certains mais fût rapidement dépassé par la vitesse des rayons émis de manière circulaire tout autour du démon et fût éjecté au loin.
Mais ce que ne voyaient pas les Spectres, c'était le véritable danger, le casque d'Arsalàn qui, dans un rayon de lumière noire, s'abattit sur l'une de ses cibles.
Celle-ci n'eût pas le temps d'esquiver ou de parer, mais un cri long et strident se fît entendre, empli de fureur et de désespoir.
Des milliers de petits points de lumière écarlate jaillirent du poing du Spectre de la Fourmi, heurtant le rayon noir de plein fouet et contenant sa puissance. Les deux cosmos s'affrontaient sans relâche et ne semblaient pas céder un seul centimètre carré de terrain.
C'est alors qu'un flash blanc apparût. Une explosion effroyable retentit alors à travers tout le Vieux Port d'Oneiros.
La terre, déjà fendue, se dressa avant d'éclater et les bâtiments proches explosèrent. Même le bateau phénicien vît sa coque fendue en deux et ses voiles s'enfoncer dans le fleuve, alors presque en crue, tant les vagues qu'il projetait sur le Port étaient hautes et violentes, comme remplies de furie.
Puis soudain, le fleuve redevint calme et le soleil réapparût. Le chaos avait laissé place à un endroit désolé et détruit.
Arsalàn était redevenu normal mais autour de lui, les pavés qui constituaient les quais avaient disparu, laissant place à une crevasse que l'eau du fleuve eût tôt fait de combler.
Le bateau phénicien avait coulé dans le fleuve, tandis que chaque bâtiment environnant n'était plus qu'un souvenir désormais. Les Spectres, eux, étaient tous allongés sur le sol, sans doute morts. Tous sauf un.
Lokus était à deux doigts de tomber dans l'eau, le bras droit pendant près de la dépouille du bateau, immobile.
Gladius était à ses côtés, sur le ventre, la tête sur le côté, les yeux fermés, les mains serrées, inconscient lui aussi.
Pirithos, lui, était allongé sur le dos, dans les bras de Nergal... le seul Spectre encore debout.
Pirithos était en sang. Son corps était couvert de blessures et de grandes quantités de sang s'échappaient de ses multiples plaies. Une hémorragie interne était en train de le terrasser.
Pirithos regarda alors son rival de toujours une dernière fois, affichant un large sourire. Ses yeux étaient emplis de joie, comme lorsqu'il avait reçu son surplis de la Fourmi, comme lorsqu'ils s'étaient affrontés pour le Surplis du Rat.
Ce jour là, Nergal et Pirithos s'affrontaient pour savoir lequel des deux aurait l'honneur de devenir détenteur d'un Surplis. C'était une occasion unique et dangereuse. Seuls quelques privilégiés pouvaient espérer obtenir un tel honneur mais s'ils échouaient à cet instant fatidique, le perdant ne deviendrait jamais Spectre.
Le combat avait duré des heures. Nergal et Pirithos s'étaient battus jusqu'à la limite de leurs corps. Pourtant, Pirithos semblait avoir l'avantage, et celui-ci allait lancer une attaque décisive à Nergal. Mais le coup porté échoua et, Nergal, profitant de l'épuisement de son adversaire, remporta la victoire.
Pirithos ferma alors les yeux en souriant. Ainsi mourût le Spectre de la Fourmi. Son cœur n'aspirait qu'à servir Hadès, son esprit à égaler son ami et rival, et ses poings à se battre pour montrer sa valeur et sa bravoure.
Nergal croisa alors les bras de son ami sur son cœur et se releva, faisant face seul au Démon d'Abraxas.
Nergal serra les poings au niveau de ses jambes et intensifia son cosmos vert sombre au maximum. Ses yeux et ses cheveux, d'un châtain clair, noircirent tant Nergal concentra son énergie.
Arsalàn, lui, s'enveloppa d'un brouillard de cosmos noir qui s'épaissit et se structura en grimpant dans les airs, laissant voir peu à peu des mains, des jambes, un buste... tandis que le casque d'Arsalàn s'éleva une fois de plus dans les airs. Les cornes étincelantes qui sortaient de ses yeux pointaient alors en direction de Nergal : Abraxas était de retour.
Les autres crânes d'Arsalàn gravitèrent alors autour de lui de plus en plus vite, de plus en plus chargés en énergie. Nergal était prêt, son corps débordait de haine et son cosmos inondait chaque partie de son être. Il n'attendait plus qu'une chose : l'attaque d'Arsalàn.
Le choc fût terrible et pourtant ne dura qu'une fraction de seconde. Arsalàn libéra une énergie incroyable à travers les rayons bleutés crachés par ses crânes. Parmi eux, le rayon noir de la tête d'Arsalàn. Les rayons convergèrent tous vers le Spectre du Rat qui allait être réduit en poussière, et pourtant... Nergal explosa.
Son corps relâcha des millions de rats rouges fluorescents qui jaillirent de chaque partie de son corps et continrent les rayons d'Arsalàn. Les rats fluorescents deveninrent alors de plus en plus nombreux, envahissant le sol et les airs, se répandant partout autour de Nergal, protégeant même le cadavre de Pirithos, Gladius son apprenti, et la Panthère Lokus. Un véritable raz-de-marée de rongeurs fît son apparition sur le champ de bataille.
Nergal repensait à tous les moments qu'il avait passé avec Pirithos, ce combat qu'il avait livré contre lui... Son dernier coup... Ses derniers mots...
Les rats brillèrent de milles feux et avancèrent, repoussant peu à peu les rayons d'Arsalàn qui perdaient en même temps de leur intensité.
Les rats, au contraire, semblaient briller de plus en plus et même absorber les rayons qui les attaquaient. C'était comme si ces minuscules créatures "rongeaient" le cosmos du Démon, prenant peu à peu du terrain sur lui, tandis que ses rayons disparurent, laissant voir à travers ceux-ci des chaînes entourées de cosmos, reliées aux crânes d'Arsalàn.
Le rayon noir, lui, se vît repousser plus vite que les autres, tandis que les rats se nourrissaient du cosmos maléfique, pour le plus grand malheur d'Arsalàn.
L'armée de rats se jeta soudain sur le Démon de l'Angoisse, qui, tout aussi grand qu'il fût, finit par être englouti. Les rats convergèrent alors vers le véritable corps d'Arsalàn qui ne pût esquiver les rats relâchés par Nergal.
Ceux-ci s'infiltrèrent dans le corps de l'Amesha en passant à travers son armure, sa chair, et même en entrant dans la bouche grande ouverte du Démon qui laissa échapper un cri de terreur.
Finalement, les rats disparurent, engloutis par le Démon de l'Angoisse qui tomba à genoux sur le sol, les yeux écarquillés, sous le choc de ce qui venait de se passer et peut-être surpris de n'être pas passé de l'autre côté du Styx.
Le Démon d'Abraxas baissa alors les yeux et vît. Sa poitrine en sang était encore pourvue de son armure... hormis à l'endroit où se situait son cœur.
A la place, Arsalàn pût constater qu'un large trou l'avait débarrassé de l'armure et de la chair qu'il y avait naguère, mais aussi de son principal organe vital.
Arsalàn s'écroula alors sur le sol et rendit enfin son dernier soupir. Comme l'avait prédit Nergal, son corps se mît à luire d'un intense éclat de lumière écarlate avant de disparaître prématurément, emporté par un flash aveuglant qui se vît à des kilomètres à la ronde. La bataille d'Oneiros s'était achevée... mais à quel prix ?
Babylone, Salle du trône
Dans la plus grande salle du Palais du Roi des Perses, un étrange cristal noir brillait de milles feux. Des ombres s'échappaient sans cesse de celui-ci pour se diriger vers le trône, où était assis le Dieu-Roi Salomon IV, alias Ahriman. L'homme avait un visage fin et le teint mât, tandis que sa silhouette semblait sculptée par les anges.
Pourtant, les yeux du jeune roi étaient d'un bleu si foncé qu'on aurait pu se perdre dans l'infini de ses pupilles.
Ses cheveux étaient longs, souples et gracieux, et adoptaient la même teinte que ses yeux avec, ça et là, des mèches d'un noir si pur que même le ciel sombre de la nuit paraissait plus clair. Le Roi portait bien évidemment la tiare due à son rang, serti de diamants noirs et d'un métal bleuté, ainsi qu'une longue robe noire qui recouvrait tout son corps et une écharpe de soie recouverte de signes persans.
Soudain, un garde ouvrit la porte et un homme aux cheveux blonds, d'une vingtaine d'années et vêtu d'une tunique de combat noire entra dans la salle et s'agenouilla devant le Roi. Celui-ci le regarda un bref instant avant de se diriger vers le cristal.
Le Dieu-Roi observa un moment le cristal noir sans répondre puis il se dirigea vers son subalterne et le releva.
Kazen sortit alors de la salle du trône d'un air réjoui. Le Dieu Ahriman avait sa confiance et il allait maintenant semer la mort chez ces maudits Spectres ! L'Enfer appartiendrait bientôt à son maître !
Oneiros, au coucher du Soleil
Gladius, Lokus et Nergal se trouvaient au sommet d'une colline non loin du Vieux Port d'Oneiros, entre la mer et le fleuve Adamas. Le soleil se couchait, annonçant la fin des affrontements.
La mer et le fleuve Adamas semblaient briller de milles feux, comme si le soleil faisait étinceler une dernière fois la terre avant de laisser place à l'obscurité, illuminant les eaux de la Méditerranée et du Fleuve Adamas, alors soudainement serti de millions de joyaux. Pirithos avait été enterré là, au pied de cette colline, avec une croix où était gravé son nom.
Son Surplis de la Fourmi était non loin de là, vidé de toute énergie, mort comme son maître. Nergal avait amené une urne noire aussi grande que lui avec le symbole de la fourmi. Le Surplis entra dedans instantanément, brillant une dernière fois avant de disparaître dans l'urne qui se referma d'elle-même.
Les trois Spectres descendirent alors de la colline, rejoignant les habitants qui avaient retrouvé leurs villages, leurs ports et leurs maisons.
Ils les entendaient déjà rire et chanter, fêter la victoire des Spectres, mais ceux-ci n'avaient pas le cœur à rire et le retour au village se fît dans un lourd silence.
C'est ainsi que Nergal prît officiellement Gladius sous son aile, jurant de protéger le jeune homme comme l'avait protégé la Fourmi.
Mais de rudes combats attendaient les Spectres et si le Démon de l'Angoisse et ses sbires étaient finalement tombés, il avait fallu le sacrifice d'un homme pour remporter la victoire. Pendant ce temps, dans les ténèbres, le Dieu Ahriman disposait déjà ses nouveaux pions, prêt à livrer une nouvelle bataille...